Arrêter de manger quelques jours incite le corps à se mettre en mode « économie d’énergie » et à ralentir les rythmes cérébraux. Cette solution pourrait se révéler être un puissant antidote pour prévenir et lutter contre les cadences effrénées auxquelles nous sommes confrontés, celles-là même à l’origine du burn-out.
La vie a toujours fonctionné sur la base de l’alternance : jour/nuit, froid/chaud, travail/repos, yin/yang, etc. En revanche, notre société moderne en construisant son modèle économique sur une volonté de croissance permanente, pousse à son maximum les machines de production ainsi que les humains. Les phases de récupération font alors cruellement défaut.
La pression omniprésente dans de nombreux secteurs professionnels doublée de la réduction d’effectifs de plus en plus fréquente, dans le seul but de potentialiser les gains de productivité, a un prix : l’épuisement des salariés.
Jean-Claude Delgènes, directeur de Technologia, cabinet spécialisé dans la prévention et l'évaluation des risques psychosociaux, estime que 7 à 10 % des salariés français sont exposés au risque de burn-out. Ce n’est donc pas moins de 3,2 millions de travailleurs concernés ! Ce chiffre, déjà significatif, pourrait monter en flèche si l'on prenait en compte les symptômes d'épuisement professionnel, dont le burn-out ne constitue que la phase ultime, affirme t-il.
En effet, si les termes anglo-saxons ne sont pas significatifs pour tout un chacun, il faut savoir qu’avant le burn-out, il existe une étape préalable appelée le burn-in.
Or, c’est pendant cette phase préalable au burn-out que la personne va brûler ses réserves de neuromédiateurs pour pouvoir s’adapter à son environnement lors d’une exposition constante et prolongée de stress au travail.
En cas de stress important, comme dans les situations d’urgences, afin de rassembler toutes nos ressources, adrénaline et noradrénaline sont mobilisées. Mais quand le stress s’installe durablement, une autre substance, le cortisol, est impliquée afin de résister et de tenir dans le temps. C’est ce que les spécialistes nomment le syndrome général d’adaptation. Il en est ainsi lorsque la pression exercée ou l’exigence vis à vis d’un collaborateur est trop forte pour mener à bien sa tâche ou encore lorsque qu’il faut produire plus avec moins de moyens. Ceci est également vrai pour les personnes qui ont à gérer trop d’urgences telles les personnels soignants ou les forces de l’ordre en période de crise et ceci sans possibilité de récupération.
Le cortisol est brûlé durant la phase de burn-in jusqu’ à son épuisement. Sans prise en compte de cette étape, in fine c’est l’effondrement du sujet ou si vous préférez le burn-out. Celui-ci se caractérise par un état d’épuisement professionnel, à la fois émotionnel, physique et psychique, ressenti face à des situations de travail émotionnellement exigeantes, avec incapacité de récupérer sur de courtes durées même avec du repos.
Entre temps, anxiété, angoisses, insomnies, états dépressifs se sont manifestés car cette utilisation trop longue de cortisol perturbe les hormones de la bonne humeur, de la stabilité émotionnelle et de l’entrain (sérotonine et dopamine).
Si les outils de relaxation, de méditation, de régulation émotionnelle ou encore ceux liés à la respiration sont parfaitement adaptés pour éviter de plonger dans le burn-out, il en est un autre, probablement plus engageant, qui mérite toute sa place sur le podium des meilleurs boucliers anti épuisement, c’est la pratique du jeûne.
Les premiers hommes jeûnaient de fait. Dans un monde sauvage où les vivres n’étaient pas à disposition de façon permanente, tel que cela existe encore de nos jours pour les animaux non domestiqués, les hommes mangeaient lorsqu’ils trouvaient des fruits, des racines, des baies voire du gibier ou des poissons. Lorsque la nourriture venait à manquer, ils vivaient grâce aux réserves qu’ils s’étaient constitués sous forme de graisse.
Pour autant, durant ces jeûnes forcés, ils ne perdaient ni leurs capacités physiques ni leurs facultés intellectuelles. Sinon ils n’auraient plus été en mesure de prélever leur nourriture dans un monde bien souvent inhospitalier !
À l’inverse de certaines croyances, lorsque nous arrêtons de manger, le corps se régénère et l’esprit se revigore. Nous sommes alors plus efficaces et ce dans tous les domaines.
Cette réalité, fruit de l’évolution, a fait dire à certains scientifiques que nous sommes plus adaptés aux pauses alimentaires, modèle ancestral, qu’à une alimentation permanente trop abondante et, qui plus est aujourd’hui, ultra transformée.
Regardons de plus près ce qui se passe au niveau physiologique et du point de vue de la chimie du cerveau durant les pauses alimentaires, pour comprendre en quoi le jeûne peut être un outil préventif du burn-out ou auto curatif du burn-in.
Au préalable, notons que pour être réellement efficace, eu égard le sujet qui nous intéresse, le jeûne doit être réalisé en dehors de son environnement habituel afin d’opérer une réelle rupture avec son quotidien. De même, il doit être expressément supervisé par une personne dûment formée dans la pratique et la physiologie du jeûne afin qu’il soit efficace et non pas dangereux.
Bien évidemment, la première action bénéfique est due à l’arrêt de l’activité professionnelle et à la possibilité de se reposer. Mais en réalité c’est bien plus que cela.
Dès le deuxième jour de jeûne, les rythmes cérébraux ralentissent, passant d’ondes bêta extrêmement rapides (expression d’une forte activité cérébrale et/ou d’état de stress) à des ondes plus lentes.
Le taux de cortisol commence à baisser épargnant ainsi les glandes surrénales et certains neuromédiateurs et neurones sujets aux dégâts d’une hyper cortisolémie durable.
En l’absence de nourriture, le corps ne fabrique plus d’insuline, l’hormone qui permet d’utiliser le sucre ou de le convertir en gras. Il n’a plus d’aliment à digérer et n’est plus confronté à d’éventuels allergènes. L’expression des gènes se modifie alors pour protéger les cellules, fruit de l’évolution pour survivre en l’absence de nourriture.
L’ensemble de ces phénomènes va créer un état anti-inflammatoire bien connu des jeûneurs qui voient de façon merveilleuse disparaître ou diminuer certaines de leurs douleurs, dès le troisième ou quatrième jour de jeûne.
Or l’état de surmenage durable revêt une action délétère sur le terrain. Il crée un état inflammatoire précipitant le sujet vers le burn-out.
Toujours en lien avec le fruit de l’évolution et afin de préserver l’espèce humaine ou animale, la pause alimentaire entraîne une baisse des hormones du stress, adrénaline, noradrénaline et cortisol. Dès le troisième/quatrième jour, une augmentation des hormones de la stabilité émotionnelle et de la bonne humeur survient. C’est exactement ce dont notre cerveau a besoin pour s’opposer à l’effet toxique du stress durable. Cette modification de la chimie du cerveau agit comme un véritable médicament, sans les effets secondaires potentiels !
Toute l’école russe maîtrisait déjà ce sujet dès les années 1970. En effet, les psychiatres et médecins soviétiques utilisaient le jeûne médical pour lutter contre de nombreuses maladies et particulièrement les pathologies mentales. Une des explications est que le jeûne augmente la capture de la sérotonine dans les synapses (la zone entre deux neurones), tel que le font les médicaments antidépresseurs dit IRS (Inhibiteurs de la recapture de sérotonine). L’autre action favorable du jeûne sur la chimie du cerveau est qu’il module la noradrénaline et la dopamine, tout comme les médicaments correcteurs de l’humeur, les IMAOs (Inhibiteurs de la monoamine-oxydase de type A).
La pratique du jeûne hydrique, c’est à dire sans absorption d’aucun aliment et avec une bonne hydratation à base d’eau et en complément, si besoin, d’infusions et de bouillons de légumes, sur idéalement une semaine, a une action que les traitements médicamenteux n’apportent pas : en effet, le jeûne agit comme un puissant outil de prise de recul. Le sujet, libéré de son quotidien anxiogène et de son rythme infernal, est inondé d’hormones de l’apaisement. Ainsi, il peut commencer à réfléchir sur son vécu et ses fonctionnements toxiques. Avec une liberté sans commune mesure, il se trouve dans une situation favorable pour prendre de nouvelles résolutions et poser de justes choix pour son avenir. Sa vision s’éclaircit permettant de découvrir les changements à entreprendre afin ne plus retomber dans les pièges ayant occasionné ce stress durable. Ce tremplin vers des prises de conscience est fondamental pour donner du sens à son épreuve et ne plus rechuter ou pour prévenir les risques d’aggravation lors d’un burn-in.
Vu sous cet angle, cet outil multimillénaire qu’est le jeûne s’impose comme une pratique holistique, tant pour le corps que pour l’esprit, sous réserve d’être pratiqué dans les règles de l’art.
Dans notre mode de vie à l’occidental où le stress chronique, les polluants environnementaux et l’alimentation ultra transformée sont le trépied de toutes nos maladies dites de civilisation incluant le burn-out, le jeûne pourrait bien représenter la médecine du XXIè siècle.